Sarah Bernhardt demanda un jour à une comédienne novice si elle avait le trac. "Non" répondit l'ingénue. La réplique de la Diva est restée dans les mémoires :"Rassurez-vous, ça vous viendra avec le talent".
Boutade ou réalité? Toujours est-t-il que
Il existe des grands timides, au départ quasi phobiques à l'idée de s'exprimer publiquement, même devant un auditoire restreint, qui deviennent à force de technique et de pratique de fabuleux orateurs, séduisants, talentueux, convaincants. C'est le cas, par exemple, de beaucoup d'hommes politiques, et non des moindres.
Personnellement, je ne sais pas si j'ai du talent, mais j'ai peu le trac. Bien sûr, il m'est arrivé d'être nerveuse avant un oral d'examen, un entretien d'embauche ou une réunion importante où je devais m'exprimer longuement, mais cette anxiété tombe rapidement dès que je prends la parole. Pourquoi? Tout simplement parce que je suis formée aux techniques oratoires depuis mes années d'apprentissages et que j'ai l'habitude! Tout devient plus simple quand on s'entraine.
Pourtant, il m'est arrivé il y a quelques années un trac mémorable qui m'a fait comprendre à quel point ce pouvait être une véritable épreuve de parler en public si on a le trac. C'était ma première émission de radio et je devais parler en direct, non depuis un studio, mais depuis mon domicile et, en tant qu'expert, je devais répondre ex abrupto à des questions dont j'ignorais la teneur.
Je m'étais préparée, intellectuellement et physiquement : détente, exercices de sophrologie, avec juste un petit papier devant moi m'avertissant de mon point faible : PAS PARLER TROP VITE. Une demi heure avant l'émission, la radio m'appelle en me donnant pour consigne de trouver le lieu le plus calme et surtout de ne pas bouger. Je quitte mon bureau un peu bruyant, pour la chambre d'amis, l'endroit le plus silencieux mais où je ne ne trouvais pas mes marques visuelles ni mon fauteuil habituel et alors, patatraque! me vient quelque chose de l'ordre de la panique. Le coeur bat à tout rompre, je transpire, j'ai la gorge sèche et je me mets à trembler. Au moment où l'on me donne la parole, je suis plus bas que terre, j'ai l'impression qu'un infâme gargouillis va sortir de ma bouche, que je vais dire des stupidités ou, pire, le blanc, le mutisme. En vrai, l'émission fut un grand succès et je fus retenue à l'antenne deux fois plus de temps qu'il était prévu. Personne n'avait remarqué mon désastre émotionnel à part peut-être les spécialistes du souffle, le mien était court et la respiration difficile.
Après l'émission, j'étais vidée et il m'a fallu un bon nombre d'heures pour retrouver la forme. Alors, je me suis demandée pourquoi ce truc m'était arrivé dessus et voici schématiquement mes conclusions.
Pour éviter le trac, il convient de :
1-Préparer son intervention, savoir quel message on souhaite faire passer à un public donné. Ne pas craindre d'avoir des fiches avec soi où sont consignées les idées forces, pour pallier les éventuels trous de mémoires. Là, totale impro.
2-Il est nécessaire aussi de savoir à qui on parle (public cible). Là, je n'avais aucune idée.
3- Il faut se savoir légitime, là je doutais. Le terme coach avait disparu au profit de celui d'expert, mot qui ne m'est pas soutien, parce que je ne m'y reconnais pas.
4- Pouvoir s'appuyer sur des alliés ou des partenaires dont on perçoit le soutien, c'est à dire anticiper cela si c'est possible (un comédien dans sa troupe par exemple ou un confrère).
5- S'appuyer aussi sur le regard des autres. Les interactions de regards sont un signe important du niveau d'intérêt que l'on porte à ce que vous dites, ils encouragent à continuer sur cette voie ou à ré ajuster.
6- Si possible, faire des repérages de lieu, l'acoustique, la salle. Quelque chose de sinon familier, mais de déjà connu, dont on peut analyser par avance les points de force ou les failles, pas les découvrir à la dernière minute, ce qui est déstabilisant.
7- Etre libre de ses gestes : pouvoir bouger, ce qui permet au corps de suivre et d'étoffer la pensée et d'appuyer la force de conviction. Etre statique est nocif et barbant pour l'auditoire et ne permet pas les changement de rythme qui rompent la monotonie. L'idéal en intervention : être debout et se mouvoir dans l'espace. Personnellement, ce point là aurait sans doute suffi pour calmer mon surcroit d'émotion. Hélas, mon plancher grinçait!
8- Ne pas avoir en tête d'être parfait, être bon, et même moyen dans un premier temps, cela suffit!
Pour conclure, pourquoi ai-je réussi mon intervention?
Ca, ce pourrait être le point 9. Se connaitre bien et être créatif dans des circonstances inédites. J'ai pris appui sur les mots de mon superviseur isabelle constant, que j'avais appelé peu avant l'émission pour me redonner de l'assurance. Ses mots :"on te demande d'être coach, tu es coach, fait juste ton job, comme d'habitude, concentre toi uniquement sur la difficulté de ton interlocuteur, c'est ton métier et tu sais faire". Autre allié, une amie journaliste radio, qui m'envoyait des sms d'encouragement très drôle pendant l'émission, ce qui m'a beaucoup détendu. Dernier élément d'appui, un recentrage corporel par une position d'aïkido qui me donnait de l'énergie. Respecter l'émotion et lui répondre par un message approprié. Tout passe toujours par le corps.