Deux petits lutins pendus au plafond. Pressez leur le nez, il viendra du lait...Leurs pitreries me fait dire n'importe quoi!
Je regarde Puck et Ariel faire du trapèze sur le lustre au-dessus de mon bureau. Leur image se reflète dans les pendeloques en cristal. Ca me donne le tournis, j'ai l'impression qu'il y a cent lutins qui dansent au dessus de ma tête. Ils essaient de m'amuser et de me distraire un peu pour me sortir de mon marasme. Je suis lasse, j'ai un cafard noir. J'ai totalement raté ma mission avec le Père Noël. Je pense à Dame Constance, ma chère collègue. Aurait-t-elle fait mieux que moi?
Soudain j'entends un pas lourd dans l'escalier. Je craignais qu'il ne revienne plus. Une lueur d'espoir renait en moi. Au travail!
Surprise. Pas le moindre signe de colère sur les traits du Père Noêl ce matin. Il était gai, souriant, détendu, tel qu'en lui-même avant. Sauf qu'il n'avait plus de barbe.
- J'ai suivi la consigne, gente Dame Anna. Avant de m'endormir, j'ai lu le petit mot que vous m'avez glissé hier avant de partir : " Cherchez l'émotion qui est sous l'émotion". Je n'ai rien compris à ce message, mais ensuite j'ai fait un rêve étrange et pénétrant.
- Un joli rêve j'espère, ne put s'empêcher de dire Ariel en exécutant à la perfection un triple salto arrière.
- Arrêtez vos gamineries tous les deux. Vous croyez que je ne vous vois pas. Sachez, petits impertinents, que le Père Noël sait tout et voit tout. Je peux voir vivre les gens, même quand leurs murs sont épais et leurs volets bien clos. Je descend aisément dans les conduits les plus étroits de leurs cheminées malgré ma corpulence. A votre avis, pourquoi?
- Je ne vois qu'une seule réponse à cette énigme. Tout comme nous, tu dois être un lutin. Mais toi, tu es un nain géant. Quel est donc ce prodige? Demanda Ariel, la tête en bas.
- Il n'est pas temps de raconter mes histoires de famille. J'ai urgence à vous dire mon rêve.
- Ariel, redescend et tais toi, tu me donnes mal à la tête. Oui, oui, racontez, Père Noël, Dis-je.
- J'ai rêvé que les humains m'aimaient et se souciaient de moi. Ils me disaient combien ils croyaient en moi et à mes merveilleux bienfaits, ils me demandaient des nouvelles de ma famille et m'offraient des cadeaux. Dans ce rêve, j'ouvrais des millions de paquets. Des tout petits, des très très grands. J'étais entouré d'une montagne de rubans et de papiers multicolores. Oh! que c'était bon. J'étais émerveillé comme quand, il y a bien des siècles, j'avais 5 ans. J'étais heureux. J'aimerais tant avoir 5 ans pour toujours!
- Et après, et après?
- Au réveil, j'ai rasé ma barbe afin de regarder en face mon précieux sentiment de joie dans un miroir et bien m'en pénétrer et puis je me suis promené incognito en ville. Les gens étaient heureux, eux aussi. Les enfants s'émerveillaient devant les vitrines, on parlait de moi partout, j'étais de toutes les conversations. Et le plus extraordinaire est que, sans savoir que c'était moi, les humains dans la rue me souriaient, me disaient bonjour, les gamins m'embrassaient et je les tenais dans mes bras. Ah! que j'aime l'humanité qui croit tellement en moi.
Les deux lutins redoublèrent de zèle dans leurs acrobaties. Oh! comme je leur dis merci de leurs stratagèmes. Ariel le faiseur de rêve. Puck, le maitre des odeurs. Il avait donc utilisé sa botte secrète, les effluves d'empathie.
- Vous avez changé de décision?
- Pas encore, il reste une condition. Je veux mon cadeau de Noël avant de faire ma distribution.
- Volontiers, quoi donc?
- Oh, rien d'extraordinaire. Juste un charmant petit animal de compagnie.
- Un chiot, un bébé phoque, par exemple?
- Que nenni, un joli petit chaton soyeux et plein d'amour pour moi. Moi, je l'aime déjà. Vous avez sans doute deviné de qui je veux parler. Pour Noël, je veux Schrödinger. Pas de Schrödinger, pas de distribution!
Puck émit alors le pet le plus puissant que jamais le monde entendit. J'ouvris la fenêtre de toute urgence avant de périr d'asphyxie. Brrr! Qu'il faisait froid.
Terrible cas de conscience. Que faire dans cette étrange circonstance? Je tiens beaucoup à la compagnie de Schrödinger, ma gorge était serrée de chagrin.
Les deux lutins étaient maintenant revenus sur terre. Graves et silencieux, serrés l'un contre l'autre, ils attendaient.
- C'est à lui qu'il faut demander ce qu'il choisira de faire.
Alors la boite en carton répondit, avec un pur accent gallois :
- Père Noël, ce que tu désires est ce que tu désires et ce que tu désires, je ne le désire point.
La suite à demain
